Déconstruire la Propagande
Échauffez vos méninges, voici venu le rendez–vous mensuel de décodage de propagande. De nos jours, bien que désignée par des synonymes moins péjoratifs, la propagande demeure une réalité omniprésente. Loin d’être restée captive du vingtième siècle, elle ne cesse de pulluler sous des formes inédites. Ainsi, la compréhension de ses rouages constitue aujourd’hui encore un enjeu démocratique vital.
Prêts pour une petite séance d’autodéfense mentale ?
L’affiche que nous analysons aujourd’hui s’intitule « Après l’Algérie et la Corse, demain ce sera la France ». Au coin inférieur droit, une inscription nous indique sa provenance : ORAFF VI 1085. L’ORAFF, ou Office de Répartition de l’Affichage, a été créé par les autorités allemandes d’occupation en novembre 1941. Sa finalité : contrôler et censurer les affiches placardées en France. Un numéro de visa attribué par l’ORAFF, ici le 1085, tient lieu d’autorisation de diffusion. Apparue sur les murs de France à partir de janvier 1944, cette affiche s’inscrit dans le contexte d’une avancée des Alliés sur tous les fronts.
Sur un fond noir, une main bestiale et ensanglantée, surgissant d’Algérie, semble menacer le territoire français. L’ombre de cette main s’étend jusqu’à Paris : le péril est présenté comme imminent. Au poignet, un bracelet, semblable aux plaques d’identification que portaient les soldats de l’Armée Française de la Libération, est orné d’un marteau et d’une faucille, emblèmes du communisme. L’Algérie et la Corse sont maculés de rouge : symbole tant du « péril rouge » bolchévique que du sang versé.
Par toutes ces allusions, le Régime de Vichy et les autorités allemandes diabolisent les Alliés et la Résistance en les amalgamant à l’URSS. « Après l’Algérie et la Corse » fait référence au débarquement anglo–américain en Afrique du Nord le 8 novembre 1942 et à la libération de la Corse le 4 octobre 1943 par l’Armée Française de la Libération et les maquis corses. Jouant sur l’anti–bolchévisme exacerbé par le Régime de Vichy, cette affiche tente d’effrayer les Français et les incite à se sentir apaisés de la présence des armées allemandes, qui les protègent gracieusement d’un tel danger.